Appel à communications

Appel à communications

Littéralement, la parure a pour fonction de rendre le corps humain plus beau, plus impressionnant ou plus désirable. En association avec l’ensemble des éléments constitutifs du costume (vêtements, attaches vestimentaires, tatouages, etc.), la parure constitue un système de signes permettant d’identifier au premier regard le statut ou la fonction de celui ou celle qui la porte, son appartenance à un groupe ethnique ou social, à un genre ou à une classe d’âge. En tant qu’éléments polyvalents et polysémiques qui concentrent potentiellement une quantité remarquable d’informations, les ornements corporels sont des outils pertinents pour percevoir les mobilités et identités protohistoriques, aussi bien individuelles que collectives.

À la suite de la journée thématique de l’APRAB 2022, qui était consacrée aux « Parures désincarnées » et à la question des échanges à l’âge du Bronze, cette table-ronde internationale 2023 vise à réincarner les ornements corporels de toute la Protohistoire : comment étaient-ils portés, échangés et abandonnés ? Par qui et pourquoi ? Sont-ils révélateurs de structures et fonctionnements sociétaux ? Que nous indiquent-ils des réseaux et de la pensée symbolique aux âges des Métaux ? Cette table-ronde « Parures réincarnées » se positionne volontairement dans la diachronie, des premières sociétés métallurgiques à la fin de l’âge du Fer, et sans limite géographique, afin de faire dialoguer des chercheurs et chercheuses qui ont rarement l’occasion de se rencontrer. En parallèle, sont attendues des mises en perspectives ethnographiques démontrant tout le potentiel informatif des parures dans des sociétés actuelles, mais permettant aussi questionner nos modèles interprétatifs.

Dans cet objectif, l’étude précise des parures (matériaux, formes, décors), des intentions et gestes fossilisés à travers elles (traces d’utilisation) et autour d’elles (modalités d’enfouissement ou d’abandon, structures et éléments qui leurs sont associés) est indispensable. Ce sont surtout les identités et mobilités protohistoriques que nous souhaitons appréhender à partir d’une approche interdisciplinaire de ces biens valorisés. Pour ce faire, une place importante sera accordée à l’analyse fine des contextes archéologiques, notamment funéraires mais aussi domestiques et de dépôts. De même, des approches novatrices (archéométrie, paléogénomique, isotopes, etc.) permettent aujourd’hui de questionner précisément ces aspects à travers des études de cas à l’échelle d’une tombe, d’un site ou d’une région. Seront privilégiées les approches portant des regards croisés sur les éléments constitutifs du costume, en considérant leur contexte archéologique et chrono-culturel, et venant alimenter ces questionnements sur les identités, les mouvements et les réseaux protohistoriques. Nous proposons de structurer ces regards croisés sur la parure en trois axes.

Axe 1 : Des panoplies personnelles aux costumes, des identités individuelles aux identités collectives

«Qu’une femme mette une fleur dans sa chevelure reste un fait de parure pur et simple, tant que l’emploi (couronne de mariée) ou la place (fleur sur l’oreille dans le costume gitan) n’en ont pas été réglementés par le groupe social lui-même : c’est alors seulement que le fait de parure devient fait de costume» (R. Barthes, Histoire et sociologie du vêtement. Quelques observations méthodologiques, Civilisations, 12-3, 1957, p. 434).

Lorsqu’ils sont étudiés dans leur contexte archéologique, les éléments portés par un individu permettent de discuter des identités individuelles (genre, classe d’âge, groupe ethnique, social, économique, religieux ou politique, état familial, etc.) voire même dans certains cas d’atteindre un niveau proche du récit de vie. Déconnectés de leur contexte, est-il néanmoins possible de faire parler ces objets ? La question du genre sera ici centrale et nous attirons la vigilance des participant·es sur la nécessité d’argumenter le fait d’attribuer un genre à des parures ou panoplies. La question des panoplies personnelles dans les dépôts non funéraires pourra également être abordée.

Les objets personnels portés par un individu considérés dans leurs associations permettent d’appréhender le costume, c’est-à-dire le système de signes codifié par un groupe à une époque donnée. Il est alors permis de questionner les identités collectives à l’échelle d’un site, d’une micro-région ou d’une vaste zone géographique. Seront considérés ici tous les éléments constitutifs du costume au sens large : parures et autres objets en association directe avec le corps, vêtements et éléments d’attache vestimentaire, tatouages et autres interventions sur le corps, etc.

Pour les ornements découverts en contextes funéraires, les données biologiques, paléogénomiques, paléopathologiques et isotopiques s’avèrent, lorsqu’elles sont disponibles et traitées  en étroite relation avec les données archéologiques, extrêmement prometteuses. À l’échelle de la tombe, elles permettent de mieux percevoir l’identité des défunt·es paré·es et une partie de leur biographie ; à l’échelle de nécropoles ou de régions, elles autorisent à interroger le recrutement funéraire, les systèmes de filiation, les règles régissant cette grammaire sociale qu’est le costume, et ainsi, une partie des structures socio-économiques protohistoriques. Une place importante sera accordée aux approches novatrices pleinement interdisciplinaires, faisant dialoguer paramètres archéologiques et biologiques.

Axe 2 : Parures, pratiques sociales et mécanismes socio-économiques

« Objets à exhiber, à donner ou à redistribuer pour créer une relation sociale (mariage, entrée dans une société secrète, alliance politique entre tribus), pour effacer une rupture dans les relations sociales (offrandes aux ancêtres, compensations pour meurtres ou offenses), pour créer ou symboliser une position sociale supérieure (potlatch, objets de luxe accumulés et redistribués par les hommes importants ou les chefs ou les rois), les objets précieux des sociétés primitives [...] fonctionnaient comme des moyens d’échange social, de valeur symbolique multiple et complexe, mais d’usage et de circulation cloisonnés, aux limites déterminées par la structure même des rapports sociaux de production et de pouvoir. » (Godelier, « Monnaie de sel » et circulation des marchandises chez les Baruyas de Nouvelle-Guinée, Cahiers Vilfredo Pareto, 8, 21, 1970, p. 121-147).

Réserves de richesses mobiles et ostentatoires, les parures sont régulièrement utilisées dans les cultures du passé comme dans les sociétés actuelles dans le cadre de transactions et d’obligations sociales, qui engagent les individus et les groupes : dots, « prix de la fiancée » ou « prix du sang », échanges matrimoniaux, etc. Les ornements corporels constituent pour cette raison une voie d’accès privilégiée afin d’appréhender certains mécanismes socio-économiques des âges des Métaux. Néanmoins, de telles pratiques demeurent souvent difficiles à identifier d’après les seuls vestiges archéologiques : c’est pourquoi l’anthropologie sociale sera sollicitée dans ce deuxième axe, afin d’apporter des éclairages concrets et d’ouvrir notre champ interprétatif.

La question des parures enfouies hors contextes funéraires sera soulevée ici : sont-elles encore des objets personnels lorsqu’elles sont sélectionnées pour le dépôt ? Ou bien sont-elles justement « désincarnées » pour l’enfouissement ou l’immersion, par des gestes visibles (mutilations, déformations) ou invisibles ? Se peut-il qu’une partie plus ou moins conséquente de ces parures n’ait jamais été destinée à être portée ? Et dans ce cas, quelle est la fonction réelle de ces objets ? Des indices d’utilisation (ou de non utilisation) permettent-ils d’appréhender plus finement la fonction précise de ces objets ? En filigrane, c’est la dimension pré-monétaire de certaines parures qui transparaît et doit être soulevée : des catégories d’ornements (torques, chaînes, etc.) s’avèrent particulièrement investies en tant que supports d’échange et réserves de valeur. La prise en compte très précise des contextes archéologiques des parures sera ici essentielle.

Axe 3 : Mobilité des parures, des individus et des idées

« Dans les sociétés traditionnelles, les objets corporels et les parures, dont les textiles, sont les éléments de la culture matérielle qui parcourent les plus longues distances » (Vanhaeren & D’Errico, L’émergence du corps paré, Civilisations, 59-2, 2011, p. 65).

Les ornements corporels sont des objets dont la vocation esthétique et symbolique est souvent couplée à un fort investissement dans leur réalisation, aussi bien du point de vue des matériaux utilisés (précieux, rares, difficiles à obtenir et/ou d’origine lointaine) que des techniques employées. Ce sont par conséquent des témoins privilégiés des réseaux d’approvisionnement et des évolutions de l’artisanat dans le temps et dans l’espace.

Les analyses des matières premières utilisées dans la confection des parures (ambre, métal, verre, corail, carbonates, etc.) permettront notamment de discuter de la circulation des matériaux. Lorsqu’elles sont replacées dans le cadre d’approches statistiques et spatiales, les études technologiques et morpho-typologiques des éléments constitutifs du costume contribuent notamment à identifier des zones préférentielles de découverte. Celles-ci peuvent parfois être raccordées aux zones de production (déchets de fabrication, moules, etc.), mais elles autorisent plus généralement à déceler des normes et leurs variables : il est alors parfois possible de raisonner en termes de circulation des objets (importations/exportations) ou des idées (imitations, influences, transferts techniques). Ces considérations devront permettre des discussions sur la mobilité des individus (personnes parées, artisans), en particulier alimentées par les données paléogénomiques et isotopiques, participant à la spatialisation des réseaux structurants de la Protohistoire.

En résumé, cette table-ronde internationale autour de la parure ambitionne de démontrer tout le potentiel de cette catégorie d’objets particulière dans l’étude des sociétés protohistoriques, à la fois à travers des synthèses concernant une région et/ou un matériau, par des approches interdisciplinaires et par des études de cas plus ponctuelles (découvertes récentes ou inédites, approches originales). À l’image des appels participatifs initiés lors de la journée thématique « Parures désincarnées » 2022, nous souhaitons accorder une place importante aux travaux collectifs présentant une approche transversale et interdisciplinaire.

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 Deux formats de communications sont possibles :

 - des présentations de 20 mn suivies de 10 mn de discussion, visant à présenter une synthèse sur un matériau, un aspect ou une zone géographique ;

 - des présentations « flash » de 10 mn suivies de 5 mn de discussion, pour présenter un site ou une étude de cas.

Les propositions sont à envoyer sous la forme de résumés de 3000 signes maximum (espaces comprises), accompagnés éventuellement d’une figure, avant le 16 octobre 2022 à l’adresse suivante : parures.aprab@gmail.com. Merci de préciser dans quel axe vous pensez vous inscrire, même si ceux-ci sont amenés à être modulés selon les propositions reçues.

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